L’origine du sida

Publié le par camille

L’origine du sida : naturelle, accidentelle ou iatrogène?Une ardente controverse socio-scientifique
 
 
Par Liliane MBAZOGUE-OWONO, Flavienne NTSAME-EDJO et Bernard SEGNA

Introduction

Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes intéressés à l’origine controversée du sida à propos de laquelle se chamaillent les historiens, les hommes et les femmes de sciences. Selon Horaud (2006), «l’histoire naturelle des maladies infectieuses, capables de provoquer des épidémies importantes, ainsi que les évènements politiques et sociaux qui les ont accompagnées, ont toujours fasciné la curiosité des scientifiques et des historiens» (p. 1). Dans cette optique de curiosité, l’origine du sida, question socialement vive, suscite un intérêt considérable. Avec plus de 40 millions de contaminations répertoriées à travers le monde, le sida est la pandémie la plus dévastatrice de ces 20 dernières années. Quoique considérée comme une nouvelle maladie, le sida, estime le Dr Mirko Grmek (1989) n’en est vraiment pas une. Son germe existerait depuis bien longtemps derrière l’écran d’autres maladies infectieuses et à travers des états pathologiques sporadiques ou collectifs très limités dans le temps et dans l’espace. Cependant, dans sa phase actuelle où le sida peut être considérée comme nouvelle maladie voire une pandémie, son premier cas a été rapporté, à la fin des années 1980, chez un jeune homme homosexuel blanc de San Francisco. En août 1981, on enregistrait les 26 premiers cas de sida aux États-Unis, tous homosexuels dont 25 blancs et la plupart «bien-instruits». Plus tard, plusieurs foyers de cette pandémie ont été découverts notamment en Afrique et en Asie. Cependant, le mystère plane toujours sur les origines de cette maladie redoutable qui défraie la chronique. D’aucuns avancent que la maladie est d’origine virale et que «c’est chez le chimpanzé que l’on trouve le précurseur immédiat du virus du sida (VIH); d’autres pensent que cette maladie est d’origine non virale. Certains enfin croient que ses origines sont ailleurs. Autant de points de vue qui suscitent moult débats et plongent le monde dans l’histoire d’une controverse socio-scientifique sans précédent. Qu’est ce que le sida? Quelle est la pertinence des arguments avancés par les uns et les autres pour justifier les différentes origines qu’on lui attribue? Tels sont les aspects sur lesquels nous allons nous pencher dans ce débat controversé.
Dans les pages qui suivent, après avoir exploré la situation problématique, nous présentons la grille de crédibilité qui nous sert de cadre théorique pour analyser, par la suite, les discours portant sur les différentes origines du sida que nous avons répertoriées.

1- Les débuts d’une controverse socio-scientifique

Le sida est le déclenchement d’un état pathologique «lié à la survenue de toute une série de maladies infectieuses» (pneumocystose pulmonaire, syndrome de Kaposi ou cancer de la peau, gastro-entérites, etc.) chez un patient dont les capacités immunitaires sont détériorées (Epstein, 2001). Comment est-on arrivé à cette caractérisation? Et comment parle-t-on de son origine?
Comme nous l’avons déjà souligné, le sida a été identifié en premier lieu dans le milieu homosexuel des États-Unis. Aussi avait-il été présenté par les médias américains comme la «peste gay». Ce milieu particulier, composé de personnes homosexuelles indexées dans la société comme des malades ou déviantes du comportement, a connu un vrai sens de l’organisation vers les années 60 et 70 (Collins et Pinch, 2001, en ligne). Sens de l’organisation qui l’a conduit a remporté des victoires en déplaçant le débat du terrain du comportement à celui de l’identité et des droits «forçant ainsi ses opposants à ne pouvoir attaquer un comportement antisocial (selon eux) sans s'opposer aux droits civiques des citoyens homosexuels" (Dennis Altmann, 1982 en ligne,). En effet, pour la défense de leurs droits et la reconnaissance de leur statut, les homosexuels avaient organisés, durant cette période, des campagnes successives aux Etats-Unis. Ces campagnes les ont conduit à un savoir-faire organisationnel et cognitif. L’influence de cette entreprise a été renforcée par la présence dans ce milieu aussi bien d’une forte proportion de blancs issus de classe sociale moyenne, de bonne instruction et ayant de l’influence dans la société, que des responsables de l’activité politique.
Avec la nouvelle étiquette liée au sida, le groupe craignait de perdre la légitimité qu’il avait réussie à gagner pour être à nouveau stigmatisé. En effet, le peuple considérait le sida comme un châtiment divin destiné à punir les homosexuels de leur comportement déviant , de plus, le pouvoir en place aux Etats-Unis et la droite montante exploitaient cette situation de stigmatisation pour des buts de campagne électorale . Pour les scientifiques, le sida provient de l’épuisement du système immunitaire lié aux excès du mode de vie homosexuel, excès manifestés par «une trop grande indulgence envers le sexe et la drogue» et «le style de vie new-yorkais» (Epstein, 2001). En effet, sous l’action combinée de drogues récréatives (utilisation de poppers ), de la prise de fortes doses de médicaments pour traiter les maladies sexuellement transmissibles courantes en milieu gay, ou de l’exposition chronique à un ou plusieurs virus connus, leur système immunitaire a lâché prise laissant leur corps sans défense face à l’assaut d’une multitude d’infections opportunistes (Epstein, 2001). Quoique quelques cas de sida soient également signalés chez des personnes hétérosexuelles ou toxicomanes non homosexuels, l’attention des scientifiques est restée focalisée sur les malades homosexuels orientant ainsi leurs théories dans cette optique . Au regard de toute cette stigmatisation, le milieu homosexuel se devait donc une fois de plus défendre leurs droits par des actions manifestes.
L’activisme du groupe s’est concrétisé par la création des associations militantes dont le but était de rassembler des informations sur le sida et sur la manière de le combattre. La lutte relevait d’un contexte politique, physique et psychologique lié aux traitements les mieux adaptés, voire à la mise au point d’une thérapie adéquate. Vu que la communauté gay se montrait septique vis-à-vis des scientifiques et des médecins, ces derniers les considérant comme des malades, et eux considéraient la science médicale comme une «institution hétérosexiste et sexophobe défendant les normes du conformisme sexuel» (Epstein, 2001, p. 21); elle a préféré participer elle-même au débat scientifique et médical affrontant par l’occasion des institutions puissantes . Leur action a réussi à influencer en bien le cours de la recherche sur le sida. En se cultivant sur la question, les activistes profanes ont fini par acquérir des compétences qui leur ont permis de devenir eux-mêmes des chercheurs, atteignant ainsi un niveau de crédibilité reconnu : «le fruit de leurs recherches avait été jugé crédible par l’une des plus hautes instances de la science aux Etats-Unis : la Food and Drug Administration» (Collins et Pinch, 2001, p. 201).
L’un des effets les plus marquants de cette lutte fût la pression médiatique . À travers des protestations bien médiatisées, les associations militantes d’homosexuels ont réussi à toucher le grand public par l’expression de leurs points de vue sur la question et la communication des résultats de leurs recherches . Ceux-ci remettaient généralement en cause la manière de mener des recherches par les scientifiques, en l’occurrence certains protocoles expérimentaux et certaines hypothèses avancées sur le sujet. L’intervention des militants en milieu scientifique a modifié le regard des chercheurs vis-à-vis d’eux, et la vulgarisation des données et des recherches sur le sida a conduit le public à une meilleure compréhension de la problématique du sida et à une plus grande tolérance face aux homosexuels. La conséquence la plus intéressante de tout ceci fût le renversement de l’opinion publique sur l’origine homosexuelle du sida. Ce renversement se fit suivre par l’émergence d’une multitude de causes controversées dont la plupart est issue du milieu scientifique. On énoncerait désormais des causes virales simiennes, humaines ou politico-scientiques à contamination accidentelle ou volontaire et des causes non virales liées aux conditions de vie ou aux croyances, certains estimant même que cette maladie serait causée par un déséquilibre naturel provoqué par une avancée technologique importante comme cela se verrait à tous les siècles et que de ce fait, aucun traitement ne pourra la stopper jusqu’à ce que l’équilibre naturel soit à nouveau retrouvé.
En effet, comment peut-on, en peu de temps, partir d’une hypothèse homosexuelle du sida à d’autres, en se basant uniquement sur la réaction vive des personnes indexées? Sur quels fondements scientifiques se basait donc leur hypothèse? Comment qualifier dans ce cas la pertinence des autres hypothèses avancées par les scientifiques sur l’origine du sida? Quels sont donc les arguments et les implicites qui sous-tendent chacune d’elles? Telles sont les questions que peut soulever un tel revirement.
Toutefois, une première analyse de la situation nous conduit à nous interroger sur l’obstination des scientifiques à vouloir à tout prix stigmatiser les homosexuels comme un groupe déviants ou malades mentaux allant, par là même, jusqu’à leur attribuer une accusation aussi forte que la responsabilité de l’épidémie du sida, «la peste gay». Ces débats sur les homosexuels masculins et leurs pratiques sexuelles semblent donc étroitement liés à un vieux conflit de pouvoir. En effet, qui doit dire ce que cela signifie d’être gay, les médecins ou les gays eux-mêmes ? D’un autre côté, si la réplique gay a été aussi puissante, c’est grâce également au jeu de pouvoir émanant de l’intérieur de leur groupe. Finalement, le savoir scientifique ou les «vérités scientifiques» serait-il une affaire de pouvoir aussi bien politique qu’économique ? Quel est le lien ou quelles sont les limites entre les théories scientifiques et les organisations politico-économiques ? La connaissance peut-elle être objective et neutre, c’est-à-dire dénuée de toute influence politique et économique? Qu’en est-il des théories ou hypothèses avancées dans le cadre de l’origine du sida ?
Dans les lignes qui suivent, nous nous proposons de questionner les hypothèses concernant l’origine du sida. Nos pistes d’analyse tentent donc d’apporter des rudiments d’orientation aux interrogations suivantes : quelles sont les différentes origines attribuées désormais au sida? Quels sont les enjeux soulevés par chacune d’elles? À qui chacune de ces hypothèses profite-t-elle?

2- La grille d’analyse de crédibilité

Pour questionner les fondements des hypothèses sur l’origine du sida, nous avons pensé qu’il est nécessaire d’utiliser une grille d’analyse. Aussi s’agira-t-il, dans cette section, de présenter la grille que nous avons choisie ainsi que nos attentes à travers cette grille. Cependant, bien avant, nous montrerons pourquoi une grille est nécessaire et comment nous avons construit la grille que nous présenterons.
2-1 La nécessité d’une grille d’analyse
Pourquoi une grille est-elle nécessaire dans l’analyse d’une controverse? À cette interrogation, Fourez et al. (1997) répondent que si on demande à une personne d’analyser, il importe qu’elle précise en fonction de quoi. Autrement dit, pour analyser (une controverse, un discours…), il faut, en fonction du projet et du contexte, décider de ce que l’on considérera comme éléments pertinents. Le regard de celle ou de celui qui analyse se fera donc selon certains choix, selon certains critères qui répondent au projet et aux conceptions théoriques que partage un groupe de spécialistes ou qui font le consensus dans un cadre disciplinaire donné. Dans cette veine, toute activité d’analyse serait inévitablement tributaire du cadre théorique privilégié consciemment ou non par celle ou celui qui analyse.
Toutefois, si une grille présente les avantages d’identifier les éléments pertinents qu’il faut observer, clarifier, structurer ou mettre en relation, en somme si une grille balise, en quelque sorte, la voie de celle ou celui qui analyse, elle présente aussi quelques inconvénients de taille. Le non-moindre est, selon Larochelle (2006), « l’enfermement qu’entraîne l’application non réflexive d’une grille d’analyse : on ne "voit" alors que ce que la grille nous permet de "voir" […] ou, encore, on "tord le bras" aux données de façon à pouvoir les insérer dans la grille retenue… un peu comme la personne ivre qui a perdu ses clés et qui les cherche sous le lampadaire parce que c’est le seul endroit éclairé! » (Doc. 9-5). Ces inconvénients nous interpellent sur l’importance d’avoir quelques précautions d’usage de la grille d’analyse, autrement dit, d’être vigilant, de garder une attitude réflexive, une certaine ouverture d’esprit au-delà de ce qui a été retenu comme éléments pertinents de notre grille.
2-2 La source inspiratrice et la présentation des éléments de la grille
Pour construire notre grille d’analyse, nous nous sommes inspirés de la grille "Sociologics" vue dans le cadre du cours EDC-65804, Analyse et controverses en Éducation. Il s’agit d’une grille proposée par Renée M. Fountain. S’appuyant sur Latour (1987) et Paul (1993), cette auteure présente une grille d’analyse d’une controverse technoscientifique qui s’articule autour de six pôles : la « causalité », la « représentation (points de vue) », la « crédibilité », la « légitimité », la « dynamique » et la « réflexivité ». Chaque pôle comprend des questions qui rendent compte des positions contradictoires ou opposées des éléments pertinents retenus. Par exemple, dans le pôle relatif à la « causalité », des questions comme « Comment parle-t-on des causes? Pas du tout? Au singulier? Au pluriel?, etc. » renvoient à certaines conceptions opposées de ce qui pourrait être le point de vue des auteurs qui présenteraient, par exemple, les origines du sida soit relatives à un individu ou une entité (au singulier), soit relatives à une collectivité, un peuple ou un continent (au pluriel). Il faut, enfin, dire que cette grille est pertinente et intéressante du fait qu’elle nous invite à avoir un regard particulier et profond sur chaque question soulevée, à l’examiner en tenant compte des relations entre des éléments que l’on pourrait dégager.
En somme, c’est à partir de cette grille que nous avons élaboré la nôtre qui, il va de soi, a été adaptée en fonction de notre projet. C’est ainsi que nous n’avons retenu qu’un seul pôle : celui de « la causalité » que nous avons réajusté. Plusieurs questions ont été adaptées en fonction de notre projet. Dans ce qui suit, nous présenterons les éléments pertinents retenus pour notre travail et ainsi que nos attentes.
2-3 Le pôle retenu : la « causalité »
Le concept de causalité renvoie au rapport qui unit la cause à l’effet. Le principe de causalité, selon le dictionnaire Le petit Larousse illustré (2007) est le principe selon lequel tout phénomène a une cause, de même, les mêmes causes, dans les mêmes conditions, produisent les mêmes effets. D’après Epstein (2001), l’idée que l’homosexualité cause le sida indique toute la difficulté qu’il y a à s’accorder sur le simple terme de «cause». Ce dernier renvoie à des «significations enchevêtrées» et aux «difficultés qu’il y a à maîtriser une discussion sur la causalité, où s’opposent toutes sortes de groupes de spécialistes ou de profanes» (p. 19). La signification du mot cause varie donc en fonction des divers domaines où il est employé, elle n’est pas univoque en biologie cellulaire, en politiques publiques ou en épidémiologie (Jana Armstrong, 1989). Selon le dictionnaire médical Dorlan’s illustrated Medical Dictionnary (1988), le terme cause recouvre une infinité de signification; on note les causes constitutionnelles, les causes stimulantes, les causes immédiates ou précipitantes, les causes locales, les causes prédisposantes, les causes primaires, les causes proches, les causes éloignées, les causes secondaires, les causes spécifiques et les causes ultimes.
Pour Epstein (2001), les médecins cherchent à découvrir la «cause primaire», c’est-à-dire le «principal facteur contribuant à la production d’un résultat spécifique», dans le cas du sida, l’élément responsable de la destruction des cellules immunitaires, cette destruction étant le principal état présenté par les malades du sida. Les épidémiologistes quant à eux recherchent les «groupes à risques» où «causes prédisposantes» c'est-à-dire «tout ce qui rend un individu plus particulièrement sujet à une réaction particulière sans pour autant l’avoir produite» (p. 19). Il s’agit ici des facteurs qui prédisposent certains groupes d’individus à attraper le sida. Ces causes peuvent de même être «constitutionnelles», liées à la nature même de l’individu, ou «stimulantes» s’il s’agit d’un facteur extrinsèque, environnemental par exemple pouvant conduire à une réaction spécifique induisant la maladie. Ce facteur peut être local, proche ou éloigné.
Une cause peut être primaire si le facteur en question induit directement le résultat considéré ou secondaire si ce dernier conduit à des résultats en cascades. En d’autre terme, un facteur qui conduit à un effet qui lui sera à l’origine d’un autre effet, ce dernier étant le résultat considéré.
Dans le cadre de notre étude sur la causalité, nous nous intéressons à diverses catégories de causes énoncées : - les causes constitutionnelles ou liées à la constitution naturelle de l’humain, - les causes stimulantes (environnementales ou locales), - les causes prédisposantes au sida - les causes primaires ou proches, facteur considéré directement responsable du sida, - les causes secondaires ou éloignées, facteur à l’origine de celui qui cause le sida, - les causes spécifiques à un groupe, les «groupes à risques» et les causes plus générales ou étendues.
À chacune des causes identifiées, nous examinons les effets qui lui sont attribués et comment l’auteur fait le lien entre les effets et les causes, de même que le but de cette attribution de lien.
Notre grille présente quatre interrogations principales accompagnée chacune de sous questions.
1) Comment parle-t-on des causes du sida? • Au singulier? Au pluriel? • Qui ou quoi est vu comme responsable direct du sida? • Qui ou quoi est vu comme facteur prédisposant au sida? • Qui ou quoi est vu comme responsable de la contamination ou dissémination? 2) Comment parle-t-on des effets de ces causes? • Positifs? Négatifs? • Au Singulier? Au pluriel? • Conséquences pour qui, selon qui? • Si l’on renverse ces causes, quels seraient les effets? 3) Les liens entre les causes et les effets sont-ils : • Pris pour acquis par les auteurs? • Étayés par ces derniers? • Mis en question par ceux-ci? 4) Quels buts servent ces attributions de lien? • Elles soulèvent un problème? • Elles soulèvent une action? • Elles mènent à une stigmatisation? • Autre?
Cette grille, en rapport avec le pôle la « causalité », appelle quelques commentaires. Au sujet de la première question « Comment parle-t-on des causes du sida? », nos attentes sont d’analyser les points de vue de certains auteurs en examinant si les causes qu’ils évoquent sont du registre du singulier (une seule cause) ou plusieurs (diverses causes simultanées) ; si elles sont du registre primaire (proches) ou secondaire (éloignées) ; si elles sont naturelles (provenant des prédispositions innées) ou environnementales (sociales). Dans ce cas, on peut examiner si elles sont locales (causes spécifiques à un individu, à un groupe d’individu ou à un peuple appartenant à une région précise) ou plus générales (causes plus larges ou étendues). Par ailleurs, il sera aussi question d’analyser les actants (acteurs humains et non humains) rendus responsables de l’expansion du sida.
À propos de la seconde interrogation, « Comment parle-t-on des effets de ces causes? », nous voulons voir si les conséquences des causes, soulevées dans des textes d’auteurs qui ont attiré notre attention, sont présentées de façon positive et/ou négative, selon une perspective singulière ou collective et l’effet que produirait le renversement de ces causes.
Dans le même élan, nous examinerons en troisième lieu, si les rapports établis entre les causes et les conséquences qui en découlent sont « pris pour acquis, étayés ou mis en question » par leur(s) auteur(s). Autrement dit, les auteurs qui présentent ces liens les analysent-ils en apportant des arguments profonds, en s’appuyant sur des preuves ou des faits pertinents, en nuançant leurs propos et en faisant preuve d’une certaine réflexivité?
Enfin, au sujet de la dernière question, « Quels buts servent ces attributions de lien? », nous analyserons les finalités de ces attributions de lien. Il s’agira de montrer si les liens établis entre les causes et les effets visent à soulever un problème, à stigmatiser un élément, un groupe ou tout autre chose ou à trouver une solution.

3- La construction de crédibilité des hypothèses ou causes répertoriées

Différentes théories sont émises pour expliquer l’origine du sida comme nous l’avons souligné plus haut. Nous tenterons donc de suivre la construction de crédibilité des hypothèses les plus manifestes afin d’examiner comment les auteurs, à travers leurs propos, présentent les arguments avancés. Ce suivi se fera, selon l’optique de la causalité que nous avons énoncée, par une recherche, à travers différentes sources documentaires, des éléments de réponses aux interrogations formulées dans notre grille.

3-1 Les hypothèses portant sur les origines virales du sida

D’après la déclaration de Durban, signée par 5000 docteurs en médecine (MD) et docteurs ès sciences (PhD), le VIH serait la cause du sida. Malgré le soutien de cette thèse par la quasi totalité des scientifiques, environ mille autres scientifiques, de même qualification, la remettent en cause, et ont signé une pétition demandant la réévaluation de cette hypothèse courante. Comment est-on arrivé à l’hypothèse d’un virus à l’origine du sida? Comment les premiers expliquent le lien entre le VIH et le sida, l’origine du VIH, sa présence chez l’humain ainsi que sa transmission ou dissémination chez ce dernier?
3-1-1 Comment est-on arrivé à penser à une origine virale ?
La maladie ayant été répertoriée comme la peste gay, les investigations ont continué dans ce sens. Fort a été de constater que, les cas considérés au départ comme atypiques, ont finalement permis de reconsidérer la question. Ces cas les plus significatifs furent la découverte de la maladie chez trente-quatre haïtiens vivant dans différents États des Etats-Unis et chez trois sujets hémophiles (Epstein, 2001). De tous les cas haïtiens, aucun n’est homosexuel et un seul a usé de drogue par voie intraveineuse. Les cas hémophiles ont tous reçu un produit sanguin fabriqué à partir de pools de plasma collectés auprès de donneurs. Ces cas suggèrent, selon le Centre de contrôle des maladies ou CDC (Centers for Disease Control), «la possible transmission de l’agent par des produits sanguins». Or, selon les chercheurs, lors du traitement des produits sanguins, les bactéries sont éliminées. La transmission se ferait donc par de fines particules plus petites que les bactéries pouvant passer au travers des filtres. D’où l’idée d’un virus à l'origine de la maladie. Selon Peter Seitzman, président de New York Physicians for Human Rigths, il s’agirait probablement d’un virus encore à découvrir parce que le modèle de transmission s’apparente à celui des virus de l’hépatite B. D’où l’orientation dans un premier temps des conseils de prévention analogues à ceux de ces derniers. Cette hypothèse conduisit les chercheurs à se pencher sur la recherche du virus responsable de l’hécatombe.
Le 24 avril 1984, Margaret Heckler, secrétaire d’État à la santé et aux Affaires sociales américaines annonce en conférence de presse à Washington que la cause du sida vient d’être découverte : c’est un virus. La découverte de rétrovirus se fit concomitamment par le français Luc Montagnier de l’institut Pasteur de Paris (virus LAV), l’américain Gallo de l'Institut national de la santé des États-Unis (virus HTLV III) et le professeur américain Jay Levy de l'université de Californie à San Francisco (virus ARV) (Epstein, 2001). D’ailleurs la paternité de cette découverte fit l’objet d’une vive controverse qui conduisit les chefs d’États américain et français à signer un traité d’accord pour une double paternité, entre Montagnier et Gallo, du virus qui deviendra plus tard le VIH, Virus de l’Immunodéficience Humaine. Cette "bonne" nouvelle a entraîné une forte réaction dans les milieux politiques et scientifiques qui ne tardèrent pas à tarir d’éloges le progrès scientifique ; des termes d’espoir tel que guérison, traitement et vaccin firent ainsi leur apparition dans le débat sur la problématique du sida. Il s’en suivit une mobilisation d’énormes sommes financières pour la recherche des remèdes et éventuellement d’un vaccin. Ce fit donc la panacée des firmes pharmacologiques qui virent par là une occasion en or. Mais est ce que la causalité virale a été suffisamment établie ? Plusieurs scientifiques demeurèrent sceptiques par rapport à cette hypothèse qui stipule une origine virale du sida ou un nouvel agent infectieux est en cause. Pour Sonnabend (1982, p.29), il faudrait demeurer prudent en évitant de focaliser l’origine de la maladie uniquement sur l’aspect VIH mais qu’il faille considérer différents syndromes d’immunodéficience présentant tous des symptômes similaires. Pour elle, la maladie serait provoquée par des infections répétées par le cytomégalovirus et la réactivation par le virus d’Epstein-Barr. Pour soutenir son point de vue, elle rappelle, non seulement l’existence d’un autre syndrome d’immunodéficience acquise appelé maladie napolitaine causé par la malnutrition et différentes infections virales, mais aussi que les transfusions sanguines en elles-mêmes sont immunodépressives. Mais son hypothèse demeure une simple spéculation en absence de toute donnée épidémiologique et vu son réseau limité d’alliés. Il en sera de même de celle de l’épuisement immunitaire. La science serait-elle une structure de réseau où la vérité ne peut se fabriquer qu’à l’intérieur d’un réseau d'alliés et que le niveau de reconnaissance de cette réalité dépend de la force et de l'étendue du réseau considéré ? Entendons ici par force du réseau la puissance économique et politique émanant de celui-ci. Pour aborder dans le même sens que Sonnabend, un autre fait marquant, signalé à travers l’article de Richard Sünder, est celui de la découverte des anticorps anti-VIH dans le sang d'un Zaïrois. L'échantillon de sang remonte à 1956, vingt-quatre ans avant l'épidémie. Puis d'autres dans le sang d'une africaine. Cette fois l'échantillon date de 1976, quatre ans avant l'épidémie. Pourtant il n'y a pas eu, quelque vingt-cinq ans durant, d'épidémie de sida en Afrique, alors que, depuis quelque vingt-cinq ans, le virus s'y trouvait. Cette situation pose donc problème, selon l’auteur. D’où son interrogation : Le virus est-il vraiment la cause du sida alors qu'il n'a, vingt-cinq ans durant, pas enclenché d'épidémie en Afrique? En outre, pourquoi le sida, s'il s'agit d'une maladie spécifique, n'a-t-il aucun symptôme spécifique? Et pourquoi les symptômes qu'on lui attribue sont-ils ceux de quelque 30 maladies bien connues et même de 70 autres maladies connues? De plus, toutes les autres maladies virales sont dites surmontées si le test des anticorps est positif, alors que l'hypothèse de la théorie du sida postule qu'à partir du moment où l'on est reconnu séropositif, il y a entre 50 et 100% de chances, ou plutôt de malchances de développer le sida dans les deux à cinq ans qui suivent ; pourquoi cette réalité très exactement contraire? Les progrès de la médecine de ces vingt dernières années auraient-ils été si prodigieux qu'elle a entièrement basculé en admettant finalement le contraire des normes qu’elle-même aurait établie comme vérité inéluctable ? Pour Roberto Giraldo , "ces chercheurs et ces institutions sont imprégnés du parti pris microbiologique, selon lequel toutes les maladies sont causées par des germes", pour lui, "Gallo et Montagnier ont tous deux passé la plus grande partie de leur vie à chercher le virus cause du cancer". Ils semblent donc ignorer selon Giraldo qu’il existe "des épidémies d’intoxications, de carences nutritionnelles, d’hypertension artérielle, de cancers, de maladies mentales, d’allergies, etc… ils ne peuvent imaginer que des épidémies infectieuses" (p. 2). Pour lui, il s’agit des déclarations imprégnées de "préjugés ethniques ou sexuels" car leurs auteurs semblent également ignorer que "les homosexuels peuvent souffrir de maladies ordinaires".
3-1-2 L’explication du lien entre le VIH et le sida
Le virus en cause, selon les auteurs de cette découverte, est un virus à ARN . Son mode d’action est d’infecter une cellule humaine et d’utiliser le matériel génétique de celle-ci pour la synthèse de cellules virales. Une fois cette synthèse effectuée, la cellule humaine éclate et les virus libérés vont infecter d’autres cellules humaines, et le cycle recommence. Le processus d’infection demeure donc continu, diminuant ainsi progressivement le nombre de cellules humaines. Comment les scientifiques expliquent-ils le lien entre ce comportement du virus et le l’apparition du sida ?
La particularité de ce virus, d’après nos érudits, est le fait que ce dernier s’attaque particulièrement aux cellules immunitaires, les lymphocytes T, cellules chargées de défendre l’organisme contre toute agression des agents microbiens. La destruction de ces cellules expose l’organisme aux différents agresseurs le rendant ainsi vulnérable donc incapable de se défendre, tout comme un pays sans chefs d’armée. En effet, le virus du sida réduirait considérablement le contact entre les lymphocytes T qu'il infecte et d'autres cellules de notre système de défense, contact indispensable au déclenchement des réponses immunitaires, paralysant ainsi le système de défense de l’organisme. Toute invasion microbienne devenant alors mortelle pour l’individu porteur de ce virus dont la charge virale serait suffisamment importante. De la contamination au développement du sida, il faut un temps assez long pouvant atteindre plus d’une dizaine d’années; temps nécessaire à la destruction progressive des cellules immunitaires humaines par le VIH.
La survenue du sida serait donc liée à l’action d’autres agents microbiens qui viennent en surinfections et qui entraîneraient des maladies diverses selon leur nature. Le virus du sida lui-même n’entraînerait pas une maladie particulière mais juste un dérèglement du système immunitaire.
L’autre particularité de ce virus, c’est son extrême variabilité liée à sa grande facilité de muter grâce à la technique de recombinaison génétique entre souches virales différentes. En effet, c’est un virus qui changerait continuellement de forme ; il a été dénombré depuis l’avènement de l’épidémie en 1981, plus de 200 types de virus différents dont les principaux sont le VIH-1 et le VIH-2. Ce qui lui permet d'échapper à la réponse immunitaire et constitue l'une des difficultés importantes pour la recherche d'un vaccin et de thérapies efficaces.
Concernant la date d’apparition de ce virus, certains chercheurs pensent que le VIH est très certainement apparu avant le déclenchement de l’épidémie de sida en 1981. Pour eux, des cas sporadiques de sida seraient passés inaperçus ; certains vont jusqu’à avancer qu’Érasme de Rotterdam, l’auteur de l’Éloge de la folie, serait décédé en 1536 du sida. Cette hypothèse repose sur le fait que les symptômes qui ont précédé son décès ont fait l’objet d’une description précise qui permet de les rattacher à des infections opportunistes définissant le sida. L’autre cas moins ancien et qui a permis de mieux comprendre la date d’apparition de l’épidémie est celui du test effectué rétrospectivement sur un échantillon de sang d’un steward de Air Canada qui avait contacté des infections opportunistes similaires à celles du sida, et qui est décédé dans les années 1960. Ce steward baptisé patient zéro serait un chaînon important dans la propagation du virus aux Etats-Unis (40 des 248 malades diagnostiqués avant 1982). En effet, ce dernier aurait eu un partenaire bisexuel différent chaque jour pendant cinq ans : une véritable bombe à retardement.
Malgré cette ingénieuse explication, certains scientifiques de renommés, tels que le Dr. Harvey Bialy, biologiste moléculaire et le Dr. Etienne de Harven, professeur honoraire de pathologie, à l'université de Toronto, considèrent que le VIH est un rétrovirus ordinaire. Pour eux, il n'y a rien de spécifique au sujet de ce virus ; tout ce qui est découvert concernant ce dernier a un analogue auprès d'autres rétrovirus qui ne causent pas le sida. Le VIH contient seulement un tout petit morceau d'information génétique, il n’est pas responsable de tout ce qui lui est attribué. D’ailleurs pour le Dr. Kary Mullis (Biochimiste, prix Nobel de chimie 1993), il n’ y a aucun document qui démontre officiellement la relation VIH-sida.
Pour le Dr. Heinz Ludwig Sänger (professeur honoraire de la biologie et de la virologie moléculaires au Maximum-Planck-Instituts for Biochemy de München ; récompense 1978 De Robert Koch), jusqu'aujourd'hui il n'y a réellement aucune évidence scientifiquement vraiment persuasive pour l'existence du VIH. Pour lui, rien n’est démontré qu'un tel rétrovirus a été isolé et épuré par les méthodes de virologie classique.
Selon le Dr. Joseph Sonnabend (1982, en ligne), médecin de New York, fondateur de la base américaine pour la recherche sur le SIDA (AmFAR), la propagande par voie de presse et les rapports au sujet du VIH, cause du sida sans autres facteurs associés, a induit en erreur la recherche et les traitements effectués sur le sujet ; la conséquence de tout ceci étant la souffrance et la mort de milliers de personnes. Pour lui, il fallait demeurer prudent en évitant de focaliser l’origine de la maladie uniquement sur l’aspect VIH mais qu’il faillait considérer différents syndromes d’immunodéficience présentant tous des symptômes similaires. D’ailleurs pour lui, on ne le montre pas que le sida est provoqué par l'infection par le HIV. Dans le même sens, le Dr Gordon Stewart (université de Glasgow), estime qu’il s’agit d’une maladie comportementale multifactorielle comme énoncé plus haut.
Pour le Dr. Etienne de Harven (1998) (professeur honoraire de pathologie, à l'université de Toronto), l’hypothèse du VIH domine à travers les médias et les groupes de pression spéciaux à cause des intérêts de plusieurs compagnies pharmaceutiques. Car, d’après lui, cette l'hypothèse aurait reçu 100% des fonds de recherches tandis que toutes les autres hypothèses étaient ignorées. La recherche scientifique serait-elle un jeu de pouvoir et de relation ?

Publié dans SCANDALES SANITARES

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